Welcome!

ROAD TRIP – Les voyages de la communauté

CAP NORD - PARTIE 1 ► Roadtrip Voyageurs

Accueil Voyages

CAP NORD - PARTIE 1 ► Roadtrip Voyageurs

Distance : 6 924 KM

|

Difficulté : 3/5

|

Beauté des paysages : 3/5

|

Budget : 6 500€

|

INTRODUCTION

L’an dernier, malgré cette première année de guerre, dixit le Président de la République française, je suis arrivé à me carapater en Islande. Ce fut exceptionnel. Souvent dans l’année, des images, des moments et des rencontres ont nourri mes journées. L’Islande c’est comme la gastronomie, tu te souviens des mets ou des grandes tables qui ont fait vaciller tes émotions. Sur cette vibration positive islandaise, naïvement, je pensais que le monde d’avant allait revenir comme les hirondelles marquent le printemps et que j’allais me lancer dans mon projet pour arpenter le Kazakhstan en moto. De restrictions en contraintes, d’espoir en rechute, de vaccin en « variants », sortir de l’espace Schengen semblait compliqué. Plus les jours avançaient et plus l’idée du Kazakhstan s’évaporait inexorablement. L’opportunité naît, avec un collègue, de s’aventurer au Maroc. Ce projet aurait servi de jauge avant de découvrir la steppe d’Asie. Le Maroc, les dunes de Merzouga, Zagora, Iriqui, le Sahara occidental, Laâyoune et Nouakchott: l’Afrique comme horizon s’offrait à moi. J’allais marcher sur les traces des aventuriers de haut vol tels « Gaston Rahier », « Hubert Auriol », « Theresa Wallach » ou encore le truculent « Lolo Cochet ». L’effet Laetoli était en marche, j’allais emboiter le pas de ces princes du désert. C’était l’aventure avec un grand A. L’homme face à la nature et j’allais descendre jusqu’à une latitude de 18° nord. Le lecteur assidu remarquera un décalage entre le titre du présent voyage et la latitude Nouakchott. Quoi? 60° de différence soit à peine plus d’alcool que dans un Ricard c’est vraiment ergoter ! La dégradation du climat sanitaire, voyager hors Union et des faux rebonds ont eu raison de ce projet sudiste. Donc, pour suivre une logique implacable, j’ai décidé d’aller au cap Nord en faisant une incartade au Svalbard à 78° Nord.  

Ermeline ma rouquine autrichienne (KTM 1290 S), qui m’avait accompagné dans mon « Olive Tour » et Justine, mon adorable “baroudeuse”, qui m’a amené en Islande, ont été troquées, cette année, pour Viktor (KTM 1290 R). Pourquoi Viktor. Parce que Viktor il est fort ! Viktor promptement rodé, équipé et préparé simplement, doté de belles chaussettes (pneus) à picots est prêt à goûter aux « petites journées » à la Bruno. Certes, Viktor voulait en découdre avec la piste et le desert, il se contentera d’un road-trip norvégien. Je conviens que la préparation de voyage a été faite un peu à la hussarde. Globalement, je me fixe quelques points de chute et je m’exécuterai à broder dans les plis des routes norvégiennes de mémorables souvenirs. Après m’être enfilé quelques guides sur la Norvège, effectué moult clicks sur Booking et avoir regardé les cartes en détail – fin août je suis prêt ! Néanmoins, pour se “palucher” le Cap Nord, il existe de nombreuses fantaisies. Pour la montée, vous avez le classique “Danemark, Suède, Finlande et un retour par la Norvège”. Il y a une variante cocasse: une montée par la côte norvégienne et un retour par Mourmansk, Saint-Pétersbourg et les pays baltes. J’ai décidé de tout faire par la Norvège. Après le Svalbard, le retour du Cap Nord vers Bergen se fera par l’express côtier pour se laisser glisser le long des fjords et apprécier la vue depuis la mer. Enfin, quel que soit la situation sanitaire début octobre, je rentrerais bien, un jour, dans mon pays d’origine. Je préfère encore négocier mon « extradition » à la frontière norvégienne que dans le port de Tanger.

Illustration du voyage

POURQUOI JE VEUX T'EMMENER LÀ-BAS ?

La première fois où je suis allé en Norvège, c’était en 1994. Vingt-sept ans plus tard, j’ai toujours en moi ce sentiment vivace d’avoir vu des paysages bouleversants de beauté. C’était la première fois que j’avais été ému devant un paysage. Mon coup de foudre pour les pays nordiques a débuté à ce moment-là. À plusieurs reprises, j’ai visité les pays baltes et nordiques et, sans cesse, je me suis toujours émerveillé de la douceur de lumière drapée dans une incroyable rudesse quand l’hiver commence à mordre. Je suis épaté par la qualité de vie et le temps qui glisse comme nul par ailleurs. La Norvège est envoûtante. Entre mer et montagne, le charme opère incessamment. Il grave des images majestueuses et des souvenirs inoubliables. Ce voyage me permettra aussi d’aller jusqu’au Cap Nord. C’est un peu comme un rituel initiatique pour un motard. Être allé au cap Nord, c’est avoir fait quelque chose de particulier – avoir coché la case « fait ». C’est comme avoir parcouru la route 66 (enfin ce qu’il en reste) ou, pour l’alpiniste, avoir fait le Mont-Blanc ou encore doubler le Cap Horn pour un marin. Autant de symboles qui posent un jalon dans une vie, qui marquent l’accomplissement de quelque chose et le début d’autre chose. Ce voyage a aussi un autre objectif: découvrir le Svalbard. J’ai toujours été intéressé, en géographie, par la singularité des caps, des pointes et les limites terrestres. Ces endroits se distinguent, car ils marquent la fin du territoire de l’homme et nécessitent ingéniosité et innovation pour aller au-delà. Le Svalbard, c’est le point le plus septentrional habité de la planète. Certes, je ne serai jamais un Roald Amundsen, mais aller par 78° Nord, c’est côtoyer la limite dans l’extrême Nord et s’approcher à mille kilomètres du toit de notre terre. La Norvège est addictive et c’est peut-être pour cela que je souhaitais l’admirer à nouveau et prolonger cette dépendance affective. La Norvège c’est vouloir noyer mes yeux dans des paysages à la beauté indécente, apprécier l’automne naissant sous de hautes latitudes, goûter aux premières attaques du froid, musarder le long des fjords, vivre ! Aller en Norvège c’est peut-être simplement se laisser séduire.

EN CHIFFRES

Autre

32 jours de voyage

du 05.09.2021 au 06.10.2021

Autre

28 jours sur le sol norvégien

4 jours au Svalbard

Camping

32 nuits d’hôtel

dont 4 nuits en ferry

Autre

6.924 kilomètres de route

Ferry

2.136 kilomètres en ferry côtier (descente du Cap Nord à Bergen).

soit 24 ferries (17 en Norvège, 2 au Svalbard, 1 Allemagne, 3 traversées maritimes, 1 retour en ferry côtier)

Carburant

443 litres de carburant consommés

soit une empreinte carbone de 1020,45 kgde CO2 compensés dans un plan de reforestation

Moto

19 jours de roulage

soit 90h23 en selle

LES SPOTS À NE PAS MANQUER

BON À SAVOIR

LE ROAD TRIP

Partager cet article

SECTIONS 1 À 21 // PITCH DU VOYAGE COMPLET

  • Distance : 6 924 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE

  • À droite de cette case, un visu de l’intégralité de la trace de Bruno de Séré, trace téléchargeable via le lien ci-dessous “télécharger la trace GPS”  

  • En dessous de cette case, chaque autre case vient raconter une journée de ce voyage exceptionnel.  

  • Cette trace est une aide mais n’est une garantie, ni une assurance de rien. Les pistes peuvent avoir souffert.  

  • Bon voyage.  

télécharger la trace gps

SECTION 1 // LUXEMBOURG – GROSS MECKELSEN (DE

  • Distance : 582 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • Le programme du jour est assez simple : m’avancer vers le nord de l’Allemagne. La moto est chargée depuis la veille, tout est prêt. La journée est assez courte et simple, alors j’étire ma matinée. Je pense et repense pour voir si je n’ai rien oublié. Il est temps d’arrêter de tergiverser. Mise à feu de la fusée à 9h36, l’aventure débute, en route pour 78° nord !  

  • Jusqu’à Cologne, l’alternance d’autoroutes, de voies rapides et grandes nationales rend la route plaisante. J’ai même vu, avant Bitburg, un dinosaure. Sérieux, j’assure que ce n’est pas le soleil qui me fait déjà divaguer. Un grand illuminé a mis dans son jardin, en taille réelle, un dinosaure du genre T. rex. Celui qui se tient sur ses pattes arrière, une corne sur le haut du crâne façon licorne et des dents hyper acérées, grandes comme des sabres. Tout pour effrayer les foules. Imagine si une particule cosmique frappe la bête ou qu’un mauvais tour joué par le réchauffement climatique fait prendre vie à la bête, c’est panique au jardin ! J’arrive à Cologne, ses foires, son eau, sa cathédrale et ses bouchons.  

  • Je profite de la pause sandwich pour faire le plein. Je viens de battre un record, j’ai payé 1,849 euros le litre d’essence. J’ai mis de la 95-E10, car c’était la moins chère ! J’ai quand même fait le plein à fond pour le plaisir ! Juste pour rire, la SP-98 était à 1,979€ le litre – là, c’est abuser ! A ce tarif-là, tu éprouves même du plaisir à polluer. En fin de journée, j’ai refait le plein et à 1,529€ le litre. J’ai trouvé que c’était une affaire.  

  • À partir de Cologne et jusqu’à Brême, j’ai ce sentiment récurrent que l’autoroute me saoule. Certes c’est pratique, mais je n’y vois ni épanouissement ni plaisir. La monotonie hypnotique de ce grand ruban noir m’ennuie terriblement. Ce moment désagréable est largement compensé par une journée noyée sous un beau soleil. Les lendemains chatoyants gomment aussi ce désagrément, car l’aventure qui s’offre à moi est belle. Pour passer le temps, j’en profite pour filer le train à deux Néerlandais, en Harley. Leurs motos pétaradent et ronronnent comme un bateau de pêche. En revanche, ces cochons ont la poignée de gaz bien soudée dans le coin (pour des “Harleytistes”).  

  • La journée s’achève après 5h48 de roulage. Petit temps de repos à l’hôtel avant de travailler mon journal. Le soir, mon repas sera composé de saumon et de canard. Les deux savent nager, c’est parfait ! Le point final sera marqué par un moelleux au chocolat. Le premier soir des vacances se fête – non peut-être ! Dernière facétie pour clore la journée, je casse la clef dans la porte d’accès aux chambres de l’hôtel. Le gérant fixe rapidement le problème. Il est temps d’aller se coucher. Demain, je poursuivrai vers le nord du Danemark. Ce “road trip” est une course au long cours. J’avance donc à l’aune de la locution italienne “chi va piano va sano e va lontano”.  

SECTION 2 // GROSS MECKELSEN (DE) – RANDERS (DK)

  • Distance : 462 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • Ce matin, la rosée s’est invitée pour baptiser Viktor. Cela fait bien longtemps que je n’avais pas épongé ma moto comme un soviet (car le soviet éponge, c’est bien connu). J’avais apprécié, la veille, les 10 derniers kilomètres de route pour rejoindre l’hôtel. Les routes bordées d’arbres, les maisons basses, l’absence de barrière entre les maisons, l’environnement bien propret, donnaient un air de tranquillité. Cela me faisait penser aux Pays-Bas. Peut-être qu’un Néerlandais dirait que ce coin d’Allemagne ressemble à leur pays ! Il fait un temps merveilleux ce matin et la route pour rejoindre l’autoroute est tout aussi plaisante.  

  • A l’approche de Hambourg, en regardant au loin, je pensais que j’allais plonger dans un banc de brouillard. En fait, c’est un dôme de pollution qui est posé sur la ville. En moto, le mode “recyclage de l’air” n’existe pas. Toute cette crasse, c’est pour mes poumons. Traverser Hambourg est toujours impressionnant. L’autoroute longe la zone portuaire. C’est, d’abord, cette incroyable file de camions qui s’étire sur des kilomètres et sature une ou deux bandes d’autoroute. C’est un joli florilège de plaques d’immatriculations. Toute l’Europe converge vers le port. Puis ce sont ces immenses transbordeurs de containers, alignés les uns derrière les autres, hauts comme des immeubles. Une seule ligne de transbordeurs peut charger 4 porte-containers à la fois. C’est gigantesque. Pas le temps de trainer et de s’émerveiller de ce monde à la Gulliver. Ma priorité est de rejoindre le Danemark.  

  • J’arrive enfin à la frontière. Comme l’an dernier, les militaires s’occupent du filtrage du trafic. Comme dit le proverbe : « plus tu t’éloignes d’un militaire, plus tu te rapproches de l’intelligence. ». La voiture devant moi est déroutée. Le préposé de sa guérite me fait signe, de la main, de passer. Comme il n’y a pas de plaque à l’avant de la moto, je m’interroge sur le critère de sélection. Je n’insiste pas, je passe mon chemin, je vais encore dire des bêtises sur les militaires.  

  • Je décide d’écourter l’épisode autoroutier maintenant que la frontière est franchie. Je prends la sortie « Christianfeld ». Le symbole à côté du nom de la ville me fait penser à la route 66. Je me dis que rouler sur la 66 ne peut pas me faire de mal. Il n’en n’est rien, c’est juste le numéro de la sortie. Pause carburant; j’en profite pour avaler un petit sandwich, très bon, sans savoir trop ce qu’il y a dedans. J’en profite aussi pour réajuster mon plan de route et décide de ne pas attendre demain pour voir la mer. Le ciel devient un peu laiteux, mais il fait 20° et sec, je ne boude pas mon plaisir.  

  • Je décide de quitter l’autoroute à Vejle et de me diriger vers Horsens, Hou et Kysing. Dans cette région, les maisons sont majoritairement de plein pied et certaines ont des toits de chaume. C’est mignon. En cette période de labours, les tracteurs sont suivis par des nuées de mouettes. Les champs s’évanouissent vers la mer et confèrent un air de Morbihan ou du Cotentin. A Kusing, la vue sur la mer depuis le haut de la dune, est splendide. Les maisons qui y sont implantées sont cossues. L’architecture varie de l’ancien à l’ultra moderne chic. Ces routes secondaires danoises sont un aquarium de zénitude. C’est une atmosphère de bien-être qui domine.  

  • Arrivée à Randers. J’y passerai la nuit. Je profite de cette fin de journée pour déambuler dans la zone piétonnière et essaye de faire quelques photos. Le centre historique est composé de bâtisses du XVIIème siècle et de maisons à colombages. Randers est une très belle ville qui mériterait une visite plus approfondie. Cerise sur le “gâteux” : ici c’est le monde d’avant, adieu masques et distanciation sociale. Le repas sera pris à l’excellent restaurant de l’hôtel : un régal. Demain, départ matinal afin d’embarquer pour la Norvège à Hirtshals.

SECTION 3 // RANDERS – HIRTSHALS (DK) – FERRY – KRISTIANSAND (NO) – FIDJELAND

  • Distance : 360 KM

  • Difficulté : 1/5

  • FERRY

  • Je pense que l’énorme cheminée de l’usine, à la périphérie de Randers, a tapissé le ciel en gris et répandu un abondant brouillard – bravo ! C’est fait avec une très grande application. Je quitte Randers à l’heure de la rentrée des classes. Depuis hier, en traversant Aarhus, je me pose la question si le Danois ne roulerait pas plus en vélo que le Néerlandais. Sûrement aussi des aficionados du deux-roues.  

  • Avant de quitter l’hôtel, je demande à la réceptionniste, une blonde à la beauté agaçante, une confirmation du temps de route pour rejoindre Hirtshals. Elle bute visiblement sur le nom de la ville. Je répète sans grand succès. Je traduis « la ville au nord du Danemark où on embarque pour la Norvège ». Ô miracle! Son beau minois s’illumine. Elle me donne la version danoise de « Hirtshals». Je ne reconnais pas le nom de la ville. Moi aussi, je peux parler avec des biscottes dans la bouche. Moi, je vais dire, en mâchant des Marshmallows, « Saint-Remy-en-Bouzemont-Saint-Genest-et-Isson » et on va voir qui fait le malin (nom de commune le plus long en France)!  

  • Pour les deux tiers de la route, c’est un épais brouillard qui m’accompagne. Comme je ne vois pas au-delà de 200m, je laisse vous imaginer la chaîne de montagnes d’Aalborg et ses pics à plus de 7000m d’altitude, ses neiges éternelles et ses stations de ski. À droite, il faut admirer un immense erg et les champs pétrolifères où quelques camélidés baguenaudent. Je ne suis pas certain, là, de l’exactitude des faits ; je vous laisse le plaisir de découvrir cela par vous-même lors d’un passage au Danemark quand le brouillard se sera dissipé. À 50 kilomètres du ferry, le temps se lève et vire au bleu. Comme j’ai un peu d’avance, je me dirige vers la côte pour voir la mer. J’emprunte au hasard une route qui me conduit directement sur la plage. Des camping-cars et des “Explorers” y ont passé la nuit. La vue « les pieds dans l’eau » est imprenable. Un peintre, matinal, achève sa marine. Deux femmes sortent de la voiture en peignoir de bain. Elles filent direct à la baille ! À leur retour, j’applaudis. Elle me demande d’où je viens et où je vais. En résumé, j’explique que j’apprécie la beauté des pays nordiques, le charme et le courage des femmes qui se baignent à cette heure – elles rient!  

  • Au vu des traces de pneus, il est visiblement autorisé de rouler sur la plage. Je fais quelques tests et Viktor est souverain dans le sable. J’étais fâché avec le sable depuis quelque temps ; me voilà réconcilié. Direction l’embarcadère, 3 Allemands en KTM me rejoignent. Ils sont de Brême et vont faire une boucle de Bergen à Oslo. Ils me souhaitent bon courage pour mon aventure. C’est un gang de KTM à bord du ferry. Celui-ci est modérément rempli. C’est un temps de repos que j’apprécie. La traversée s’effectue en un peu plus de 3 heures. A bord du ferry, l’option « lounge » avec buffet à volonté est une excellente option. J’en profite pour faire une petite sieste et émerge quand nous arrivons à destination : excellent timing.  

  • Dans le port de Kristiansand, le bateau d’incendie teste ses lances à eau. Le bateau dispose de part et d’autre deux jets orientables. La puissance est phénoménale. C’est aussi fort que le jet d’eau de Genève dans le lac Léman. Le spectacle est saisissant et peu commun. J’emprunte la route 9 pour faire cap plein nord et bifurquer par la route 450 plein ouest pour regagner Fidjeland où je passerai la nuit. Le temps s’est couvert, c’est un peu tristounet. Je m’échappe rapidement du ferry. Premier constat avec le strict respect des limitations de vitesse, la 5ème et la 6ème vitesse ne seront pas utilisées et le pignon de la 4ème ne sera pas trop usé à la fin du voyage. La route débute par la remontée d’une rivière qui coule dans une large vallée. C’est immédiatement dépaysant et plaisant. La grisaille fait place à un ciel plus lumineux. Au bénéfice d’une dépression, j’en profite pour faire quelques photos de rapides bouillonnants et turbulents.  

  • À Nomeland, je bifurque sur la 450, une route saisonnière, qui fait honneur à la Norvège : c’est beau! Le Norvégien, comme l’Islandais ou le Madérien, est assez pragmatique. Il trace la route, droit dans la pente. Ça monte ferme. Si un ami norvégien vous propose un tour en vélo, vérifiez bien de ne pas passer par la 450. En revanche, si le masochisme est votre religion alors n’hésitez pas. Je passe en quelques kilomètres de 200 à 1000 mètres d’altitude. La végétation change, adieu bouleaux, sapins et autres essences. Ici, c’est rocaille, lacs et lichens. C’est vert et donc probablement abondamment arrosé. Des très estivaux 21°C dans la vallée, je passe à 14°C avec un vent assez tempétueux. Je n’ai pas croisé de troupeaux de rennes malgré les panneaux qui m’invitent à la prudence. En revanche, les moutons sont en abondance. Le mouton farceur aime se coucher sur la route et de préférence à la sortie d’un virage aveugle. Il convient de redoubler d’attention surtout que la route n’est pas plus large qu’une voiture et demie. Il y a de nombreuses échappatoires sur le bord de la route. Au gré du trafic, chacun laisse passer l’un ou l’autre en bonne intelligence. La lumière est magnifique en cette fin de journée et les nombreux lacs donnent au paysage des touches argentées du plus bel effet.  

  • Sur cette petite route, je m’émerveille de la qualité de la partie cycle de la moto. Viktor est souverain. Je n’ai rien à faire, la moto se conduit seule. Arrivée à l’hôtel situé au pied des pistes de ski. Demain sera une longue journée pour rejoindre Bergen.  

SECTION 4 // FIDJELAND – BERGEN

  • Distance : 510 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • « Mamma mia ! Che bella giornata ». Débutons par la conclusion pour nous mettre immédiatement dans le tempo du jour. Certes, l’objectif est d’arriver ce soir à Bergen, mais quelques belles friandises ont égayé cette journée. La veille, je pensais me réveiller vers 5 heures et rejoindre, au jour levant, Lysebotn distant d’environ 40 kilomètres. Il n’y a que deux ferries dans la journée à Lysebotn, un à 7h10 et l’autre à 15h30. L’avantage de ce ferry est de pouvoir découvrir la FV500/986 et regagner Forsand afin de faire une route plus directe vers Bergen. Je me lève timidement et remarque que la nuit a essoré le ciel de ses nuages pour généreusement détremper la chaussée. Le soleil se levant à 6h47, la route doit se faire par une nuit d’encre. Même pour un motard déglingué du bulbe, rouler sur cette route de montagne mouillée, au dessin très torturé, et de nuit ne relève pas de l’entendement. Néanmoins, je prends mon courage à deux mains et me recouche pour quelques heures.  

  • Le soleil s’ébroue de son sommeil et le bleu perce ce ciel de traîne. La température est relativement douce. La journée se présente sous de beaux auspices. Je décide de découvrir la FV500/986 entre Suleskard et Lysebotn (76 km aller-retour). Je reviendrai donc sur mes pas, faute de ferry, et débuterai mon détour par le sud pour rejoindre Bergen. Je repasserai donc devant mon point de départ dans quelques heures.  

  • La FV500 est un monument. Le paysage sur ce plateau d’altitude est sauvage, brut, rugueux. Comme hier, l’univers est minéral, noyé dans une multitude de lacs et le tout tapissé de lichens. La route s’achève par la descente vers Lysebotn avec un passage par le belvédère appelé le « nid d’aigle / eagle nest ». Ladite descente relève plus de la chute libre que de la pente. Il est indiqué par pudeur 10%. Je crois que ni la TVA, ni la taxe de séjour et ni le taux de change ne sont compris dans ces 10%. Si vous voulez vous garer sur le parking du belvédère, il vous en coûtera 10€ pour une moto. Je n’ose pas imaginer le prix des consommations au restaurant. Je passe mon chemin et continue ma descente pour conjuguer beauté des paysages et plaisir de conduite. La fin de la route offre une vue éblouissante sur le fjord. Le ciel, entre azur et gris, ajouté de quelques panaches de brumes éparses, donne une note wagnérienne. Cela me fait aussi penser aux photos des Yosemite d’Ansel Adams. Je vais basculer au tutoiement pour m’adresser au lectorat motard. Si tu n’aimes pas les épingles, si le Stelvio t’a mis à l’épreuve et que le « tail breaking » est un concept, évite la descente ou la montée de Lysebotn. Ajoute l’étroitesse de la chaussée, les trajectoires foireuses des touristes (et les tiennes), la route mouillée, une pluie ou un brouillard potentiel, alors la petite balade sympathique peut tourner au calvaire. J’oubliais: l’équivalent norvégiens des « ponts et chaussées » a eu l’audace de faire un tunnel en pente avec une épingle dedans. Fin de l’aparté « motardesque ». Sur le retour, je croise mes 3 Allemands rencontrés hier sur le ferry. Ils admirent le paysage. Salutation, sourires et discussion d’usage. J’avance; la route est encore longue.  

  • Dans deux semaines, cette route sera fermée. Elle se drapera de son manteau blanc, lovera ses paysages dans le froid et attendra le vol des cigognes pour dévoiler à nouveau ses charmes au printemps naissant. Ô toi, belle route, telle une amie, je te dis adieu et encore merci pour ce que tu m’as offert. J’emporte dans mes souvenirs ta beauté et ta force. Après ce moment exceptionnel, difficile de tenir une telle intensité. Et pourtant, sans égaler ce moment, les routes 45 et 508 donnent le change plus qu’honorablement. Puis c’est une petite baisse de régime, dans le domaine du beau, pour qu’à nouveau la nature se sublime entre Erfjord (13) et Sauda par la 520. Mais le plus beau restait à venir. La 520 de Sauda jusqu’à la jonction avec la E134. Là, c’est du Mozart. La route se faufile dans une faille. On dirait le coup de hache d’un géant dans la roche. C’est étourdissant de beauté pendant des kilomètres. J’aurais voulu que cette route finisse dans le parking de l’hôtel et que ma journée s’arrête là. J’aurais voulu encore flotter dans ces cieux et eaux azurés, ces contrastes automnaux, ces cascades immaculées, ces virages subtils où prendre de l’angle demeure une caresse. J’aurais voulu étendre ce moment indéfiniment et être suspendu à ce plaisir des heures encore et encore.  

  • Vous le croirez ou pas, mais qui passe devant moi quand je suis à la jonction ? Mes trois Teutons. Ils me reconnaissent. On se gare, on rigole de cette incroyable coïncidence. Qui est le chat ? Qui est la souris ? Nous nous saluons à nouveau et qui sait demain à Bergen, je les croiserai peut-être à nouveau. Sur la série de trois ferries de la journée, qui est un moment de socialisation, je rate le dernier de 10 minutes. Il faudra attendre, une heure, la prochaine rotation. C’est un paramètre à prendre en considération dans ses temps de roulage. Je profite du soleil. Dans la ligne d’embarquement, un motard en Ducati Diavel édition Lamborghini se gare à mes côtés. C’est une moto produite à 650 exemplaires dans le monde. Il a la numéro 615. C’est la première fois que j’en vois une, en dehors des images sur le papier glacé des magazines. A la sortie du ferry, il tente de se sauver, je le suis. Cela permet d’allonger un peu l’allure.  

  • Ce qui est remarquable dans la journée, c’est la variation des températures entre le rivage d’un fjord et les routes d’altitude. Je suis passé en un clin d’œil de 21°C à 13°C. De même, d’une vallée à l’autre, le grand bleu, peut alterner avec un gris lourd, ou un ciel pommelé. Outre la nature, mon admiration va aussi aux ouvrages d’art, notamment les ponts et les tunnels qui sont impressionnants par leur ingénierie et taille. J’ai passé une bonne partie de ma journée sous la terre tel un mineur. J’ai, entre autres, enfilé deux tunnels quasi à la suite, un de 11 kilomètres et l’autre de 10 kilomètres. Je vous assure, sans être claustrophobe, c’est terriblement long ! Surtout à 70 kilomètres par heure !  

  • L’arrivée sur Bergen est moins palpitante. Après une journée très bien remplie, je garde en mémoire des paysages à la beauté brute. Au moment, de rentrer dans le hall de l’hôtel, un quidam qui m’emboîte le pas, me demande si la KTM garée là est la mienne. Je réponds que oui. Il me dit, que je risque une amende, car je ne suis pas garé à cheval par rapport au poteau de stationnement. Je lui dis merci et réajuste ma moto pour que l’alignement géométrique de celle-ci soit conforme à l’usage. C’est beau la rigueur, mais quelle importance dans le champ des étoiles quand les sœurs 500 et 520 raisonnent encore dans ma tête comme une douce mélodie. « Mamma mia ! Che bella giornata ».  

SECTION 5 // BERGEN – HAFSLO

  • Distance : 280 KM

  • Difficulté : 1/5

  • ROUTE

  • Journée de transition pour avancer doucement vers le Nord. Le temps est un peu tristouille mais la journée se passera au sec. Remonter les fjords, musarder le long des lacs, admirer le paysage se refléter dans les eaux et se sentir parfois tunnelier composera l’essentiel de cette journée.  

  • Belle brochette de tunnels aujourd’hui, dont un de 11,4 kilomètres suivi d’un autre de 10 kilomètres dans la foulée. Je crois qu’emprunter un long tunnel est pire que de rouler sur autoroute. Je serais très preneur d’une fonctionnalité dans mon GPS qui indiquerait « éviter les tunnels de plus de X kilomètres de long». Aujourd’hui, dans le match ferries contre tunnels, large victoire à l’extérieur des tunnels 1 à 10. Le match retour sera compliqué pour la qualification au tour suivant …  

  • Avant Voss, je quitte la route (non pas « bardaf l’embardée »), je bifurque de la route principale pour m’engager sur l’ancienne route afin de m’approcher du lac pour faire quelques photos. L’ancienne route est, certes, plus chaotique et très étroite (seize), mais a le charme d’emprunter les anciens tunnels, autres trouées, et elle permet de suivre au plus près le dessin du rivage. Elle donne une idée des temps de parcours qui devaient être nécessaires, il y a encore une trentaine d’années, pour parcourir la Norvège, et laisse imaginer le même parcours en conditions hivernales.  

  • Arrêt café et gâteau à Voss. Un imposant téléphérique permet de gagner le domaine skiable situé en haut de la montagne qui surplombe la ville. Le café-boulangerie-pâtisserie-salon de thé est le refuge des seniors du coin. Juste en rentrant dans la boutique, j’ai fait lourdement chuter la moyenne d’âge. Pendant tout le temps où j’étais là, 8 petits vieux, devant moi, n’ont pas cessé de lancer des dés. Je pensais au début que celui qui perdait la partie payait le coup aux autres, mais visiblement pas. J’ai imaginé que c’était un moyen pour ne pas sombrer dans Alzheimer en mémorisant les précédants tirages. Bref, je n’ai pas trouvé le sens de leur jeu. Je ne m’éternise pas et poursuis ma route.  

  • La route FV 243 ou la « Bjørgavegen », est une route saisonnière, qui va d’Aurlandsvangen à Lærdalsøyri. Ce sera le clou de la journée. Dans sa première partie, elle offre une vue sensationnelle sur l’Aurlandfjord. A mi-route, une passerelle suspendue dans le vide permet de se sentir oiseau et de jouir d’un panorama spectaculaire. En haut du col, le plateau permet de longer des névés. Non loin de la route, on voit le glacier et les neiges éternelles du sommet. La descente offre une belle vue d’une cascade sur la Vardahaugselvi. Le plaisir de conduire est aussi au rendez-vous avec de très nombreuses épingles. Arrivée à Hafslo assez tôt où je passerai la nuit.  

SECTION 6 // HAFSLO – SYLTE

  • Distance : 308 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Le petit-déjeuner débute par une bonne autorigolade. Dans la salle à manger, une grande table est déjà dressée pour des convives. Le plan de table est établi et un prénom attribué à chaque place. Un nom, assigné à une chaise d’enfant, attire mon attention : TorJus. Torjus (tors jus) c’est synonyme de « presse-agrumes ». Quel parent a le toupet d’appeler un enfant « presse-agrumes ». J’imagine la scène, de la mère, qui, du haut de son perron, appelle son chérubin « Presse-agrumes, rentre à la maison, maintenant, tu vas attraper froid! Et va ranger ta chambre ! ». Sur cette histoire qui me met en joie, j’admire le paysage à travers la fenêtre. La brume galope nonchalamment et semble trébucher sur les forêts. Le soleil peine à troubler ce subtil jeu tout en ombres chinoises déclinées entre dentelle formée par la cime des arbres et air cotonneux. Le lac semble contempler cette danse éthérée. Moi, je savoure ce moment.  

  • Je débute cette journée par la route 55. C’est un sublime ruban d’asphalte qui serpente le long de lacs. Tout se mélange brume, lacs et montagne. L’ambiance est apaisante. Les couleurs d’automne varient d’un instant à l’autre. Des tons vermillon aux orangés, des verts doux aux sombres, c’est un festival de couleurs. L’été indien version norvégienne. Je fais une pause-café au hasard à l’hôtel Sognefjellshytta. La charpente apparente en bois de l’édifice, le design moderne et le l’environnant rendent l’endroit merveilleux. Au loin, des glaciers conjuguent le turquoise, le vert et le blanc. L’endroit est une halte à retenir pour passer une ou deux nuits et randonner ou skier aux alentours. La route se poursuit. De majestueuses cascades m’accueillent. Elles plongent du haut d’immenses falaises ou ruissellent comme de gigantesques fontaines le long de la paroi. Le spectacle est fascinant.  

  • Au chapitre animalier : hier, j’ai eu droit à la biche traversière. Aujourd’hui, ce fut le mouton rebelle, qui squatte la route et ne daigne pas se pousser. Le klaxon ne l’effrayait pas. Le coup de gaz ne semble guère plus efficace. Quelle hardiesse ! Je pense que son futur mariage, avec des flageolets, à la Pâque prochaine le rendra moins arrogant ! L’autre image cocasse fut celle de la vache aquatique. Sûrement dépendante à la balnéothérapie ou passionnée du rafting, elle décide de traverser ce torrent tumultueux. Engagée jusqu’au torse, le pis au frais, elle avance péniblement bravant le courant. Je ne veux pas connaître l’épilogue de ce scénario mal engagé, je file.  

  • La route 55 s’achève à Lom. Sa ravissante église en bois et son pont donnent du cachet au village. Je continue ma route et bifurque sur la 258 à Grotli en direction de Videseter. Rapidement, le début asphalté se transforme en piste ; c’est un mélange de gravier, sable et terre. L’adhérence y est correcte. Je suis engagé depuis à peine 1 kilomètre que la pluie tombe abondamment, alors que j’avais été épargné jusque-là. La route brille comme un marbre. L’adhérence devient précaire. Mon pneu avant est plus destiné à un usage “off-road” sur sol sec. Il manque des crampons agressifs pour mordre le sol. Difficile de dépasser le 60km/h sans perte d’adhérence de la roue avant. Croiser les ornières, laissées par les autres véhicules, mérite toute mon attention. J’avance gentiment à un 50 km/h constant grâce à une excellente traction (mon pneu arrière à un profil à crampons). Comble de l’ironie, la pluie cesse, au bout d’une quinzaine de kilomètres quand la route redevient asphaltée au niveau de la station de ski. La loi de Murphy dans toute sa splendeur. Après cet exercice, ma moto est bien barbouillée. Outre, la finesse de conduite, le paysage de cette 258 est aussi à la hauteur. Glaciers, cascades, lacs ; un univers minéral lacustre splendide.  

  • La descente vers le Geiranger aurait dû être un beau moment. Hélas, le brouillard a décidé de jouer les trouble-fêtes et de changer la partition. C’est une vraie purée de pois. Impossible par moments de voir à plus de 50m. Ce moment pénible passé, j’arrive enfin à Geiranger où mouille un énorme paquebot de croisière. Il ressemble à un HLM avec toutes ses petites fenêtres. Je suis bien plus heureux à enfiler les épingles sur la 63 que d’être caserné dans ce grand clapier. La route 63 me conduit à Eidsdal. Dernier saut de puce avec un ferry et j’arrive à mon hôtel à Sylte. La terrasse de ma chambre donne directement sur le fjord, j’ai quasi les pieds dans l’eau – c’est un bel endroit très délassant.  

SECTION 7 // SYLTE – VEIHOLMEN

  • Distance : 283 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Journée de contraste entre montagne et pointe esseulée en bord de mer de Norvège. Ma journée débute par la route des Trolls (63) de Sylte à Åndalsnes. Certes très célèbre, mais sa réputation n’est pas usurpée. La route est probablement plus intéressante dans l’autre sens car la cascade me paraît plus captivante vue de face. Je ne regrette pas d’être ici en fin de saison et de parcourir cette route un dimanche matin. L’endroit doit perdre de sa superbe quand la route est surchargée.  

  • Plus loin, en bord de route, une façade de maison est tapissée de têtes de rennes, probablement des trophées de chasse. C’est assez glauque et intriguant. Je poursuis vers Molde. Un tunnel plonge sous la mer et remplace probablement un ferry ou un pont. L’ouvrage de 5 kilomètres de long est assez particulier. La moitié du parcours s’effectue par une descente à 10% et l’autre moitié remonte symétriquement. Au milieu, je devrais donc être à 250 mètres en dessous du niveau de la mer. Petite coquetterie, des LED multicolores marquent la moitié du parcours. La sensation de siphon donne une étrange impression. Petite pause à Molde dans un excellent café/boulangerie qui fait aussi petite restauration. C’est probablement le seul point de vie de la ville. En ce dimanche, tout est fermé. Molde fait un peu ville morte. C’était aussi le sentiment que j’ai eu sur la route depuis ce matin. Les dimanches matin norvégiens semblent très calmes.  

  • Après ce moment réconfortant, je me dirige vers la route « Atlantique » ; grand classique norvégien. Celle-ci devrait se dénommer plutôt la route de la mer de Norvège car elle ne mouille pas dans l’Atlantique. La route est connue pour son aspect en apesanteur entre deux eaux et ses magistraux ponts en chapeau de gendarme. Ces ponts ont la particularité d’avoir une forte pente. Il faut attendre son extrême sommet pour apercevoir la descente. Cette route maritime est belle et élégante et ses ouvrages d’art sont spectaculaires mais elle laisse un goût de « trop court ». Quand j’ai préparé ce voyage, l’analyse de la carte de Norvège et mon intérêt pour les pointes et les endroits un peu perdus a porté ma curiosité sur Veiholmen. A mon sens, la vraie route Atlantique se trouve là. La route 669 fait le tour de l’île de Smøla et s’étire jusqu’à Veiholmen. La partie ouest de l’île est une merveille. Elle est déroutante et étrangement fascinante. Son paysage plat, son archipel de rochers qui se noient dans la mer, tout semble sans repère. Au loin, les grands pics pyramidaux de la côte donnent le sentiment d’être sur un bateau à la dérive.  

  • La pension Olsen à Veiholmen, où je vais résider pour cette nuit, n’a pas de service de restauration. Par ailleurs, le restaurant du village m’avait informé qu’il serait fermé. Je m’arrête donc à l’épicerie « Joker Vestsmøla » pour m’organiser un piquenique improvisé pour ce soir. Du saumon avec une bière fera l’affaire. Je prélève une bière d’un pack et demande à la caissière si les bières se vendent à l’unité. Elle me dit que non. Je remets donc la bière dans son pack et en prends une autre dans un frigo. A la caisse, la préposée me dit qu’elle ne peut pas encaisser la bière. Là, débute un dialogue assez surréaliste. Je demande pourquoi – elle me répond « parce que c’est dimanche ! ». – moi peu convaincu par cet argument « et alors ? » – elle réplique « parce que je ne peux pas ! ». C’est quoi son problème pour me vendre une bière bordel? La logique de l’histoire m’échappe. Je lui demande « quel est le risque si vous me vendez une bière ? ». Visiblement amusée par le touriste à la vélocité cérébrale lente, elle scanne ladite bière et me montre l’écran, qui affiche comme un message d’erreur. En substance, le message en norvégien indiquerait dixit la caissière « que l’article scanné enfreint la loi sur le débit de boisson et ne peut pas être encaissé ». Enfin je lui fais confiance car le message pourrait indiquer « sus à l’étranger qui va boire ta bière surtout qu’elle ne coûte que 5€ la canette ». Je n’insiste pas sur les idées latines qui traversent mon esprit (payer en cash, sans ticket, …) pour boire une putain de bière un dimanche soir avec mon saumon après une journée de route !  

  • Pour rejoindre Veiholmen, il faut parcourir une dizaine de kilomètres sur une langue de terre. Cette route joue à saute-mouton de rocher en rocher. Un superbe pont enjambe un bras de mer. De part et d’autre de la route, c’est une savante communion entre terre et mer. La lumière de fin de journée sublime cette atmosphère. C’est une atmosphère hors saison, le temps semble plus lent, le calme demeure, le chant des vagues guide la partition du temps, le vent galope sur la lande, le temps d’automne semble se faner sereinement. Ici tout semble suspendu, un autre monde s’ouvre à qui est curieux. J’arrive à la pension Olsen Veiholmen. Line, mon contact, m’indique qu’elle arrive dans 10 minutes et que je peux rentrer dans la maison car la porte est ouverte. Cette pension est une maison en bois peinte en blanc avec 5 chambres. La décoration intérieure est sobre, scandinave et tout est agencé avec goût.  

  • Line, belle norvégienne, au caractère solaire m’accueille par un magnifique « Moien ». Le monde est petit. Elle a travaillé pendant 20 ans au Luxembourg et parle un français remarquable. Elle développe, avec sa sœur (Hilde), un business autour du tourisme dans ce bout de monde. Un projet hôtelier est en cours de développement. Elle me montre les magazines et livres qui reprennent le design des cinq maisons qu’elles possèdent dans le village. Je suis invité demain à visiter leur dernière création. En attendant le repas, je rédige mon journal depuis le salon avec vue sur la mer, je ne boude pas mon plaisir. Je suis dans un havre de paix où une vibration bienveillante demeure. Ironie du sort, le restaurant du village est ouvert. Line y déjeunera avec sa sœur. Elle me réserve une table. Elle se propose aussi de m’aider pour traduire la carte. Ironie du sort, il est possible de consommer de l’alcool au restaurant dimanche soir, mais il est interdit d’en acheter chez l’épicier – étrange logique ?  

SECTION 8 // VEIHOLMEN – TRONDHEIM

  • Distance : 225 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • S’arracher au charme de Veiholmen est difficile. Je m’y sens bien. J’étire le temps, profite de l’instant. Line arrive pour me faire visiter sa dernière création. Un ancien abri à bateaux a été rénové en loft, avec un goût exquis. Le bois, le verre et la pierre dominent. La vue sur le chenal qui donne sur la mer de Norvège est une pure merveille. Line m’invite à m’assoir. Hypnotisé par la vue et aimanté à mon siège, les minutes s’égrainent comme nulle part ailleurs. Partir est une épreuve, c’est comme une rupture. La route pour retourner au ferry est belle mais mon âme vagabonde nage encore dans les images et les instants savoureux du matin. Le bleu bataille avec le gris du ciel depuis ce matin. La journée vire au bleu et le soleil m’accompagnera jusqu’à Trondheim.  

  • Je m’arrête à Aure. Je trouve une aire face au lac. Le banc est estampillé, en couleurs, aux armes de la ville « calice d’argent sur ciel d’azur ». Je recycle le pique-nique d’hier. L’ambiance est très feutrée. Tout est très doux. Ici la vie glisse comme des patins sur un parquet de bois. J’inaugure la station-service hors sol. C’est-à-dire que la cuve principale de carburant, les canalisations, la pompe, le monnayeur et le système de débit tout est posé sur une dalle de béton à l’air libre. Si la question vient à l’esprit : « comment fonctionne une station-service ? », l’explication est là devant les yeux. Une sorte de station prête à l’emploi, que tu peux transporter en camion. La route 680, d’Aure jusqu’à la jonction avec la 714, est très agréable. Le trafic est rare. Sous ce soleil, cela me fait penser à une balade dominicale. La température oscille entre 10°C et 16°C, mais, bien équipé, cette journée est très agréable.  

  • Arrivée à l’hôtel Clarion de Trondheim. Belle vue sur le port. Un acrobate change l’anémomètre en haut de son mat. Je suis au troisième étage et il est quasiment à ma hauteur. Je remarque, au mouillage, dans le port deux bateaux-drones, ce qui est un concept assez novateur. Ils sont probablement destinés à des missions très particulières. La vue depuis le bar situé au dernier étage de l’hôtel offre un panorama unique sur la rade. En ce jour de vote, les préparatifs pour fêter les résultats des élections législatives s’organisent dans l’hôtel. Je vais jusqu’au centre, qui est à peine 10 minutes de marche de l’hôtel, pour me restaurer au « Troll ». Demain, je me reposerai et visiterai la ville avant d’entamer ma remontée vers les Lofoten.  

SECTION 9 // TRONDHEIM – TOFTE

  • Distance : 397 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • La journée de repos à Trondheim fut active, avec notamment la visite des principaux monuments. La ville est à taille humaine. Elle peut être parcourue à pied aisément. La solution de s’abonner, pour une journée, aux trottinettes électriques en libre-service (il y en a partout), semble une bonne option. Cela permet peut-être d’approfondir la découverte de cette belle ville. La multitude de musées et ses nombreuses boutiques permettent de trouver facilement son bonheur.  

  • Le programme des trois prochains jours est assez simple : rejoindre puis parcourir la route 17, du sud vers le nord pour gagner les îles Lofoten. Grand bleu et grand soleil seront les maîtres-mots de cette journée composée comme un triptyque. Le premier panneau est un panorama de fond de fjord ; de Trondheim jusqu’à Steinkjer, le paysage est plaisant sans être exceptionnel.  

  • Le deuxième tableau va de Steinkjer à Kongsmoen. La route longe une vallée de montagne, bercée par des rivières ou des lacs. La pêche à la ligne (eau douce) est l’activité principale. La perte de repères est marquante. La route n’est pas éloignée de la mer, mais l’esprit maritime a disparu, de même que la notion d’altitude. Je pensais être ente 200 et 400 mètres d’altitude. En regardant le GPS, j’étais seulement à 64 mètres d’altitude – désorienté !  

  • Le troisième volet, de Kongsmoen à Brønnøysund, est très déroutant. J’ai le sentiment d’avoir changé de pays. La densité de population devient faible. Certains endroits de la côte donnent un sentiment de grand isolement. La route longe la mer, mais étrangement, c’est l’activité agricole qui semble dominer (élevage). La topologie des lieux est assez simple : la mer, une plaine verte qui s’étend sur 2 kilomètres de large et une forêt de feuillus jusqu’à des contreforts rocheux qui toisent à environ 200 mètres d’altitude. J’arrive à Tofte. Mon logis sera un bungalow sur pilotis baigné dans le fjord face à une ferme d’aquaculture. Le soleil cisèle des reflets dorés dans les risées de la mer. Une impression de velours, une ambiance feutrée, règne dans un silence absolu. Ainsi se referme cette journée de transition.  

SECTION 10 // TOFTE – JEKTVIK

  • Distance : 206 KM

  • Difficulté : 2/5

  • ROUTE ET PISTE

  • Sur les conseils avisés du réceptionniste, je retourne à Brønnøysund pour me restaurer au « Svang ». C’est absolument sublime. Un 5 services de premier ordre. Restaurant qui rentre directement dans mes coups de cœur de ce voyage (cf. section « se restaurer »). Le jour s’ébroue de sa folle course nocturne. Un doux trait orangé, pastel, dessine l’horizon. L’air est doux. Une grande pureté demeure. Le lieu exprime une vibration profonde, une respiration bienveillante qui appelle à un éveil en paix.  

  • Je poursuis ma route 17 vers les Lofoten. Sur la ligne de ferry, deux motards Norvégiens me rejoignent. L’avantage du ferry est que la conversation s’engage facilement entre motards. Les deux lascars travaillent sur une plateforme pétrolière et profitent de leur semaine à terre pour faire une virée à moto et surtout picoler, entre amis, du vin en sachet (notre équivalent du cubi). Ils me confirment mon sentiment de grande différence de paysage et d’ambiance entre la Norvège du nord et celle au sud de Trondheim.  

  • La route du jour n’est pas spécialement longue, mais elle est émaillée de 4 ferries. Pour à peine plus de 200 kilomètres à parcourir aujourd’hui, qui seront avalés en presque 3 heures, il me faudra 9h30 de temps effectif pour boucler cette étape. Je dois attendre, par exemple, 1h30 au deuxième ferry. Pour découvrir cette route côtière aux multiples visages, l’attente et la patience font partie du voyage. Le paysage se fait désirer et apprécier. Ici, le principe « du tout – tout de suite » n’a pas sa place.  

  • Le col après Nesna me fait basculer dans la région de Rana. Une fois le col franchi, le changement de paysage est stupéfiant. L’environnement devient arctique, sauvage, très minéral, brutal et, étrangement, délicieusement captivant. Au large, des dalles acérées déchirent la mer comme la dorsale de Godzilla. Les plus hauts des sommets environnants sont saupoudrés de neige nouvelle. L’environnement devient exclusif, les conditions se musclent, c’est beau. Le temps est en plus très correct – je jubile. Le dernier ferry de la journée a la particularité de couper le cercle arctique. Le capitaine annonce au micro que nous coupons cette ligne imaginaire. Sur la rive, un globe terrestre en métal symbolise cette ligne. A partir de maintenant, je vais passer 14 jours au-delà de cette frontière.  

  • Je pensais que j’avais réservé pour la nuit un bungalow dans un camping. Finn, mon contact, un septuagénaire, bien alerte, au regard bleu perçant et à l’allure élégante m’accueille. Il m’indique que j’ai une grande maison tout en bois, de plus de 100 ans d’âge, pour moi. L’ancien et le nouveau s’y mélangent et la vue est imprenable. J’ai fait un crochet par la seule épicerie du village pour me concocter, le traditionnel “pâtes fraîches, thon, sauce tomate”, mon couteau suisse alimentaire. La seule chaine que la TV satellite me donne, c’est la RAI, donc soirée à l’italienne !  

  • Pour continuer à suivre les aventures de Bruno en Norvège, je te donne rendez-vous à la partie 2 de ce voyage !

Les plus beaux spots

Partager cet article

COMMENTAIRES

Vous devez être connecté pour commenter.

DÉCOUVRIR AUSSI

La route des Grandes Alpes en 12 cols

BY

Macha

Découvrir le Vercors grâce à Lolo

BY

Gros Veinard

Tour du Mont Blanc depuis Gap avec quelques detours...

BY

Pat

Welcome! Welcome!